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Les commentaires de nos équipes
POINT MACRO

Nous vivons un krach obligataire

10 janvier 2022

Un krach est une chute brutale et de grande ampleur des cours d’une ou plusieurs catégories d’actifs. Il désigne un effondrement des cours, il suit généralement une période de hausse excessive du prix d’un actif.

C’est ce qui est entrain de se passer sur le marché obligataire américain. L’emprunt d’état à 10 ans (US treasuries 10y) offrait un rendement de 1,359% le 20 décembre 2021, il a atteint 1,80% le 7 janvier 2022, une hausse de 45bp. C’est un krach. Dans le même temps, le Bund 10 ans est passé de -0,401% le 20 décembre à -0,045% le 7 janvier. Il y a eu donc une forte translation de la hausse des taux US sur les taux €, 35bp sur 45bp, soit 77%.

Nous allons dans cette lettre essayer d’expliquer pourquoi ce mouvement et quelles peuvent en être les conséquences. 

Nous présentions dans la lettre trimestrielle que vous venez de recevoir les attentes de trois maisons (CM-CIC, Deutsche Bank & Goldman Sachs) sur l’évolution du 10 ans américain à échéances du 30 juin et du 31 décembre 2022. Pour le 30 juin la fourchette des attentes était de 1,70% à 2,40% et pour le 31 décembre de 1,90% à 2,20%.

Autrement dit comme cela arrive parfois sur les marchés financiers, la prophétie a été auto-réalisatrice.

Pourquoi ?

La principale surprise de la rentrée porte sur les minutes de la réunion de décembre de la Fed. Celles-ci montrent un changement de perception de la situation nettement plus marqué que ne l’avait laissé entendre Jerome Powell. Au-delà des pressions inflationnistes persistantes, la Fed craint des séquelles longues sur le marché du travail. La lente remontée du taux de participation du fait des effets de la pandémie et des départs à la retraite anticipés pose des questions sur la cible d’emploi maximum, ce que les données de l’emploi de décembre ont confirmé avec un rythme de création qui reste modeste  (+199k après +249K en novembre) mais qui cependant entraîne un fort recul du taux de chômage.

Alors que la Fed pensait avoir le temps d’attendre des signes plus tangibles de rétablissement, l’excès d’inflation et l’accélération des salaires (+4,7% en décembre en rythme annuel pour le salaire horaire, mais un rythme mensuel qui s’est accéléré à +0,6% vs +0,4% en novembre) combinées au fait que le taux de participation risque de ne remonter que plus lentement qu’attendu, ont modifié la donne et nécessite un ajustement rapide de la politique monétaire.

Forte de ce constat, la Fed avait donc fait le choix mi-décembre de précipiter la fin de sa politique monétaire accommodante en mettant un terme à ses achats d’actifs plus rapidement pour être en mesure de procéder tôt à une 1ère hausse de taux directeurs. Mais les discussions entre les membres sont allés bien au-delà puisque le sujet de la baisse de la taille du bilan a été longuement discuté et les premières prises de position rapportées par les minutes signalent que les membres sont unanimes sur la nécessité d’aller beaucoup plus vite que la fois précédente pour la débuter.

Conséquences pour la BCE.

Dans un contexte de liquidité plus faible pendant la trêve des confiseurs, l’orientation haussière des taux souverains européens a été marquée, portée notamment par la partie réelle, signe de l’impact progressif d’une BCE qui deviendra moins accommodante.

Malgré l’accélération en cours du resserrement monétaire, la résilience de l’€ face au $ s’explique en partie par les anticipations de sortie de la BCE également. Cependant, pour nous, la prudence de l’institution dans son schéma de sortie reste un rempart face au risque d’accélération brutale et durable des taux et le chemin devrait rester graduel.

Autrement dit, si nous comprenons le mouvement sur les taux des derniers jours, nous jugeons que la translation de la hausse des taux américains sur les taux européens a été trop forte. Pour nous, les situations d’inflation et d’emploi des deux économies restent différentes et l’inflation américaine est un facteur d’inquiétude beaucoup plus sérieux que ne l’est l’inflation européenne. 

En effet, pour nous l’inflation de l’Eurozone à 5% en décembre (vs 4,9% en novembre) ralentit déjà et a atteint son pic. Elle reste tirée par des éléments exogènes, comme l’énergie à +26% y/y en décembre, alors que l’inflation sous jacente, à 2,3% en décembre reste modérée et enregistre les effets de base causés par la première phase déflationniste de la pandémie en 2020. Sur 2 ans, aussi bien en novembre qu’en décembre, l’inflation sous jacente à 1,4%, reste en deçà de l’objectif de la BCE de 2%.

A court terme, nous pensons que l’inflation de l’Eurozone va probablement diminuer sous le double effet des prix de l’énergie et de l’effet de base causé par les changements temporaires des taux de TVA en Allemagne. En Eurozone l’inflation nous semble sous contrôle ; en 2022 nous estimons que l’inflation sous-jacente pourrait monter à 3%, l’inflation faciale devrait baisser vers le même niveau avant pour les 2 de revenir sous 2% en 2023.

L’Economic Sentiment Indicator (ESI) de la Commission Européenne a reculé en décembre (115,3 vs 117,6 en novembre) tout en restant bien au-dessus de sa moyenne de long terme. Ces niveaux sont synonymes de croissance rapide. Par secteur, les services refluent, probablement l’effet Omicron, mais l’industrie voit sa situation s’améliorer sous l’effet des nouvelles commandes ;

L’indice PMI composite IHS Markit de l’Eurozone, après une brève accélération en novembre, marque à nouveau le pas en décembre à 53,3 vs 55,4. Les croissances des secteurs manufacturiers et de celui des services ont suivi des trajectoires divergentes. Si ce ralentissement de l’expansion a résulté d’une modération de la hausse dans le secteur des services – secteur dominant de l’économie de la région-, le taux de croissance de l’activité manufacturière reste stable par rapport à novembre.

Malgré la modération de la hausse de la demande, les perspectives d’activité à 12 mois se sont légèrement redressées en décembre, après s’être repliées à un creux de 10 mois en novembre. La confiance a progressé tant chez les fabricants que chez les prestataires de services.

Ce regain d’optimisme s’est en outre accompagné d’une forte croissance de l’emploi. En effet, bien que le taux de création de postes se soit replié à son plus bas niveau depuis mars dernier, il est demeuré nettement supérieur à sa moyenne. Les entreprises ont fréquemment attribué les hausses d’effectifs enregistrées en décembre au raffermissement de la demande et aux pressions que celle-ci fait peser sur les capacités de production. Le volume des affaires en attente a en effet augmenté pour un 10ème mois consécutif.

Selon l’enquête mensuelle de l’INSEE, en décembre, la confiance des ménages en France augmente de 2 pts.

Le solde d’opinion des ménages relatif à leur situation financière passée augmente aussi de 2 pts et demeure au-dessus de sa moyenne. Celui relatif à leur situation financière personnelle future est stable et davantage de ménages estiment qu’il est opportun de faire des achats importants.

Aux États-Unis, bien que les créations d’emplois aient largement déçu (+199k vs +400k attendus), la hausse des salaires (+4,7% en rythme annuel vs +4,2% attendu) et la baisse du chômage (-30bp à 3,9%) témoignent de tensions fortes sur le marché du travail et donc que la cible du plein emploi se rapproche pour la Fed.

C’est aussi ce que reflète le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover Statistics), avec un recul certes des offres d’emplois mais à 10,6 millions alors que la moyenne pour 2019 était de 6,8 millions et qu’il y a eu 6,8 millions d’embauches. L’écart entre les offres d’emplois et les embauches à 3,9 millions demeure très élevé et le rapport offres d’emplois / chômeurs a atteint un record de 1,5. Autre record aussi celui des démissions à 4,5 millions dont 4,3 millions dans le secteur privé qui reflète les tensions sur le marché du travail et la facilité qu’il y a à trouver un emploi mieux payé.

Les rapports d’activité pour décembre restent à des niveaux très élevés même si Omicron touche le secteur des services, l’ISM services passant de 69,1 à 62 de novembre à décembre, mais bien au-dessus  de 50 qui marque le seuil entre expansion et récession, pour le manufacturier, le ralentissement est plus faible encore à 58,7 après 3 mois à 61.

En Chine par contre les effets de la dernière vague de la pandémie commencent à s’atténuer et le Caixin China General Services PMI monte en décembre à 53,1 vs 52,1 en novembre. Hausse aussi bien de la demande et de l’offre pour le 4ème mois consécutif malgré encore quelques disruptions. Pas de changements de la  demande à l’exportation.

Le marché du travail s’améliore alors que le travail en attente augmente. Les pressions inflationnistes diminuent.

Dans les conditions très particulières de marché de cette première semaine de l’année, nos fonds ont enregistré des retards significatifs sur leurs indices de référence. Nous allons en tenir compte sans pour autant courir après le marché mais essayer de bien mesurer ce qui dans les arbitrages en cours est justifié et ce qui est excessif.

Notre analyse retient que si les taux plus élevés font diminuer les valorisations des entreprises aux multiples les plus hauts, ces multiples prennent également en compte les résultats, ce que nous avons bien vu cette semaine avec la prépublication de STMicroectronics. La plupart des publications des résultats auront lieu dans les 6 semaines à venir et nous allons faire un tri sans préjugés. Nous reviendrons sur ce sujet la semaine prochaine.

En attendant une seule vente à signaler, celle de M6 dans FCP Mon PEA. 

Bonne semaine à tous,

Jean-François GILLES

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