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Point Macro
Autopsie d’un Bull Market
Le 30 janvier 2023, alors que la France était en pleine réforme des retraites et que Novak Djokovic venait de remporter son 22e titre du Grand Chelem, le cours du Nasdaq 100, aux États-Unis, passait au-dessus de sa moyenne mobile à 200 jours, actant ainsi la naissance d’un marché haussier, ou Bull Market.
Deux ans et un mois plus tard, la violente chute du 10 mars plante les derniers clous de son cercueil. Comment en est-on arrivé là ? Mais surtout, que nous réserve la suite ?
De parents magnifiques aux abonnés absents
Ce marché haussier a atteint son point culminant le 19 février dernier, avec une hausse de 80 % en à peine deux ans, grâce à ses sept magnifiques moteurs, qui ont enregistré des performances remarquables sur la période, notamment Nvidia (+580 %), Meta (+360 %), Amazon (+122 %) ou Tesla(+103 %).
Mais depuis le début de l’année, la situation s’est inversée. De moteurs, ils sont devenus fossoyeurs. À l’exception de Meta, les six autres Magnifiques figurent parmi les 25 % des moins bons performeurs du S&P 500. La lanterne rouge est, bien sûr, Tesla, en recul de près de 50 % depuis le début de l’année, après des chiffres catastrophiques en matière de perte de parts de marché dans plusieurs pays européens et asiatiques.

Lors de la séance du lundi 10 mars, la perte cumulée des Sept Magnifiques s’est élevée à 750 milliards de dollars, soit l’équivalent de la capitalisation boursière combinée de LVMH, Hermès et L’Oréal.
Il est important de noter qu’à l’exception du poulain de Musk, les fondamentaux des autres sociétés restent excellents. Certes, la vague DeepSeek a suscité des inquiétudes autour de Nvidia, mais les résultats et les perspectives du groupe ont dépassé les attentes.
Il s’agit davantage d’un changement de sentiment du marché à l’égard de ces valeurs. Plus largement, l’achat systématique de ces titres via des indices de marché, mais aussi des indices thématiques, les expose mécaniquement à un risque accru en cas de retournement des flux.
Le reste du marché a mieux résisté : 52 % du S&P 500 était encore en hausse jusqu’à vendredi dernier. Toutefois, les récentes craintes liées au risque de stagflation aux États-Unis et à l’opacité de la stratégie de D. Trump ont accéléré la baisse en ce début de semaine.
Autre élément nouveau : les investisseurs particuliers, qui achetaient historiquement les baisses de marché, ne se sont pas manifestés cette fois-ci. La pondération déjà record des actions dans leur patrimoine, à plus de 30 %, a peut-être freiné leurs ardeurs.
Vous avez dit Stagflation ?
Les craintes d’un ralentissement économique, que nous mentionnions la semaine dernière, notamment avec les chiffres préoccupants du recul du moral des consommateurs, se sont propagées. Les déclarations de M. Trump (qui évoque une « période d’ajustement ») et Bessen (qui parle d’une « détoxification de l’économie américaine ») n’ont pas rassuré.
Parallèlement, les chiffres de l’inflation salariale restent élevés (+4 %), et les prix à la consommation ne baissent plus depuis plusieurs mois.

Inflation aux Etats-Unis
Le marché, qui aime se faire peur, voit grossir le spectre de son pire ennemi : la Stagflation, contraction de Stagnation économique dans un contexte d’Inflation élevée. C’est le pire des scénarios :
- Le ralentissement économique pèse sur les résultats des entreprises.
- L’inflation élevée empêche les banques centrales d’intervenir.
Pour l’instant, nous n’adhérons pas (encore ?) à ce scénario. Il est d’abord extrêmement rare, ne concernant que moins de 5 % des trimestres historiques. Mais surtout, la baisse du PIB au premier trimestre, anticipée par la Fed d’Atlanta, s’explique avant tout par des importations massives en prévision de nouveaux droits de douane.
Petit rappel toujours utile : PIB = Consommation + Investissement + Dépenses publiques + Exportations – Importations
Ajusté de cet effet, la Fed d’Atlanta estime que la croissance serait plutôt autour de +0,4 % en rythme annualisé. Un ralentissement, certes, mais pas une récession.
Par ailleurs, le marché du travail reste solide pour l’instant, le dernier rapport sur l’emploi ayant été légèrement supérieur aux attentes.
L’illisible Donald Trump
Si nous restons modérément positifs sur l’économie américaine, nous surveillons de près l’impact de l’administration Trump sur l’activité. Les coupes budgétaires et les plans de licenciement multiples menés par E. Musk commencent à influencer les indicateurs économiques. À tel point que Donald Trump semble vouloir calmer les ardeurs de son chien fou: les plans de licenciement devront désormais être validés par les ministères concernés.
Mais Wall Street s’agace et a l’impression grandissante que le pays est piloté à vue, sans plan établi.
Une chose est certaine : la volatilité est de retour. Entre le 27 février et le 6 mars, il y a eu six séances consécutives avec une évolution de 1 % ou plus, un record depuis 2020.

Hausse du VIX – Indice de la peur
Un espoir cependant : Trump a rencontré hier les grands chefs d’entreprise. S’il est difficilement lisible, Trump reste un homme d’affaires, qui mentionnait fréquemment la santé des marchés boursiers comme un indicateur de sa réussite lors de son premier mandat. Verrons-nous la naissance d’un Trump Put, c’est-à-dire un niveau en dessous duquel le président ne laissera pas le marché descendre ?
Nous sommes entrés en zone de turbulence. Difficile de dire combien de temps elle durera. Mais avec une perspective d’investissement à long terme, c’est dans ces environnements que les meilleures opportunités se créent.
Rendez-vous la semaine prochaine !
Aymeric Lang