Les commentaires de nos équipes
Point Macro
Comme si de rien n'était
Un investisseur parti fin mars à l’autre bout du monde, sans accès à Internet, qui jetterait un œil à son portefeuille boursier à son retour cette semaine qualifierait les cinq semaines écoulées de calmes. Une légère hausse, rien de plus. Les marchés ont, tout simplement, digéré la plus grande crise des échanges commerciaux depuis près de 100 ans, quasiment sans broncher. Alors, est-ce justifié ou non ?
Les boussoles du marché
Les marchés sont d’incorrigibles optimistes… jusqu’à ce qu’ils tombent en dépression totale. C’est dans cette maniaco-dépression sinusoïdale qu’il faut constamment zigzaguer. Heureusement, quelques boussoles permettent de s’orienter.
Nous en identifions trois principales :
- La santé de l’économie, avec un regard particulier sur deux indicateurs : la croissance et l’inflation
- La tendance du policy mix (terme barbare pour désigner le rôle des deux acteurs clés : les États, via les plans de relance, et surtout les banques centrales)
- L’appétit pour le risque, c’est-à-dire l’état d’esprit des investisseurs
Passons-les en revue pour y voir plus clair.
Les premiers signes de l’impact économique du plan de Trump arrivent doucement
Le choc de la guerre commerciale n’a pas (encore ?) eu d’impact drastique sur l’économie. Mais il est certain qu’il ne contribuera pas positivement, dans un contexte global de ralentissement, après une phase d’expansion impressionnante aux États-Unis depuis 2021.
Sur la croissance :
- En Europe, le T1 a été (relativement) résilient (+0,4 % en croissance trimestrielle contre +0,2 % attendu), tiré principalement par l’Irlande (+3,2 %) et l’Europe du Sud. La France et l’Allemagne (+0,2 %) restent moroses.
- Aux États-Unis, la théorie du soft landing (donc sans récession) reste pour l’instant la plus probable.
- La croissance du T1 a été, comme prévu, négative (-0,3 % en rythme séquentiel annualisé, légèrement inférieure aux attentes), principalement en raison d’un boom des importations anticipant les droits de douane. La bonne tenue de la consommation des ménages devrait permettre de repasser en territoire positif au T2.
- L’indice ISM manufacturier (indicateur économique qui mesure le niveau d’activité des manufacturiers aux Etats-Unis) reste en zone d’expansion, tandis que le marché de l’emploi se dégrade légèrement, mais reste solide.
- La Chine ralentit
- Le PMI Caixin des services, indicateur clé de la confiance des entreprises chinoises, recule dans un environnement incertain marqué par la guerre commerciale. Il passe de 51,9 à 50,7, alors qu’il était attendu stable à 51,8.
- Le relais de croissance par la consommation intérieure tarde à se manifester, et la croissance chinoise devrait durablement s’installer sous les 5 %.
Côté inflation : un contrôle global avant les nouveaux droits de douane
- En Europe, l’inflation est restée stable en avril, à 2,2 %.
- Aux États-Unis, elle continue de ralentir : l’inflation core PCE (l’indicateur préféré de la Fed) passe à 2,6 % en glissement annuel en mars, contre 3 % en février.
En résumé : Même s’il est encore trop tôt pour évaluer précisément l’impact économique des mesures de Trump, les indicateurs pointent pour l’instant vers un ralentissement global, mais non un effondrement.
IMPACT SUR LES MARCHÉS : NEUTRE / NÉGATIF
Policy mix : Les Banques Centrales en soutien ?
Si la volonté des gouvernements de soutenir l’économie est bien là, leur capacité reste incertaine. La France en est un bon exemple.
L’Allemagne, en revanche, va enfin pouvoir lâcher les chevaux de son budget, après l’élection (houleuse) de son nouveau chancelier, Friedrich Merz.
Plus clairement encore, de l’autre côté du Policy Mix, les marchés devraient bénéficier de politiques monétaires accommodantes au cours des prochains trimestres.
- BCE : Christine Lagarde a le champ libre. L’inflation semble sous contrôle, l’économie reste morose, et les États sont endettés. Elle a donc annoncé une nouvelle baisse des taux de 25 points de base, et pourrait recommencer en juin. Certains membres ont même plaidé pour une baisse de 50 points.
- Banque centrale chinoise : soutien sans faille à la consommation intérieure, avec une nouvelle baisse des taux et des réserves obligatoires annoncée le 7 mai.
- Fed : Après la réunion du 7 mai, la stratégie wait & see prévaut. Jerome Powell a maintenu les taux, mais le programme de Quantitative Tightening (QT)* touche à sa fin. Les commentaires suggèrent une attention croissante au ralentissement de l’emploi, ce qui pourrait annoncer un assouplissement prochain. Les droits de douane pourraient faire grimper les prix, mais cet effet ne devrait durer qu’un an.
Nous pensons que la Fed pourrait initier un nouveau cycle de baisse dès sa prochaine réunion. Si cela se confirme, toutes les grandes banques centrales (BCE, BoE, BoJ, BoC, Fed) seraient alors simultanément accommodantes.
IMPACT SUR LES MARCHÉS : POSITIF
L’appétit pour le risque : les particuliers à la manœuvre
Oui, les marchés, surtout américains, restent chers. Ailleurs, ils semblent plutôt correctement valorisés, sauf les small caps européennes, encore très attractives.
[ Petit aparté : ces petites valeurs ont nettement surperformé ces dernières semaines. Mais le potentiel de rattrapage reste important. Pour celles et ceux qui souhaitent en profiter avec des entreprises de qualité, le fonds Erasmus Small Cap Europe est une excellente solution. ]
Revenons en à nos moutons : les marchés restent chers, surtout face aux perspectives de ralentissement économique et aux incertitudes commerciales et géopolitiques.
Pourtant, cela n’a pas empêché la hausse. Pourquoi ?
Trois mots : Buy the dip ! (Achète la baisse !)
C’est le mantra des investisseurs particuliers, habitués à profiter de chaque correction boursière pour renforcer leurs positions. Cela crée des flux massifs dès que la baisse commence.
Depuis le début de l’année, Goldman Sachs indique que les investisseurs particuliers américains ont injecté 60 milliards de dollars en bourse, soit autant que les ventes des investisseurs institutionnels étrangers.
Difficile, dans ce contexte, de leur donner complètement tort. Quelques arguments pour rester positif :
- Trump reste avant tout un pragmatique
- Premiers accords commerciaux (notamment avec le Royaume-Uni)
- Discussions sino-américaines qui s’intensifient
- Espoirs persistants de paix en Ukraine
- Lancement du plan de relance allemand
- Baisses d’impôts imminentes aux États-Unis
- Résultats et perspectives bien meilleurs qu’attendu : les marges du S&P 500 au T1 retrouvent des niveaux historiquement élevés

IMPACT SUR LES MARCHÉS : POSITIF
Conclusion :
Oui, les marchés restent chers à court terme. Mais il faudra des nouvelles très négatives pour briser la dynamique actuelle.
Il est essentiel de ne pas se tromper de grille de lecture en analysant les multiples de valorisation. Une valorisation élevée traduit avant tout une confiance forte des investisseurs. Plus cette confiance est haute, plus le risque de déception l’est aussi.
C’est cette confiance qui guidera les marchés dans les prochaines semaines, mois et trimestres. Les entreprises américaines (notamment technologiques) continueront elles à être au rendez-vous ?
De notre côté, nous avons renforcé la pondération des actions dans nos allocations lors de notre comité de fin avril (de bas à milieu de fourchette), en raison d’une amélioration significative du ratio rendement/risque. Le marché a depuis progressé en quasi ligne droite.
La question que nous nous posons désormais est la suivante : cette hausse ne s’est-elle pas faite un peu trop rapidement ?
Nous en reparlerons dans nos prochaines lettres !
*Quantitative Tightening (*QT) : * Outil de politique monétaire restrictive appliqué par les banques centrales pour réduire la quantité de liquidités ou la masse monétaire dans l’économie.